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Luttons ensemble contre l’islamophobie! 

 

L’islamophobie a pris ces dernières années une ampleur sans précédent en Europe. L’extrême-droite, usant largement de discours islamophobes, a obtenu aux dernières élections des résultats records dans plusieurs pays européens. Le 6 février dernier, des rassemblements se sont tenues dans 14 villes européennes « contre l’islamisation de l’Europe » à l’appel du mouvement d’extrême-droite Pegida. Les médias relaient ces discours et entretiennent les préjugés, en traitant systématiquement le terrorisme sous l’angle du djihadisme. Les actes islamophobes se multiplient : lieux de cultes musulmans dégradés, vandalisés, violences, insultes et discriminations à l’encontre des musulmans ou perçus comme tels. En France, d’après l’Observatoire national contre l’islamophobie, instance du Conseil français du culte musulman (CFCM), les actes antimusulmans ont triplé en 2015, avec plus de 400 incidents. Aux Pays-Bas, les attaques de mosquées sont tristement devenues monnaie courante. Ces dernières semaines, plus de vingt mosquées ont reçu des lettres de menace.

 

L’islamophobie est une forme spécifique de racisme qui se réfère à des actes de violence et de discrimination, ainsi que des discours racistes, alimentées par des stéréotypes négatifs, et conduisant à l'exclusion et la déshumanisation des musulmans, et tous ceux qui sont perçus comme tels. Il ne s'agit pas d'une critique de l'islam en tant que dogme, mais d'une hostilité vis-à-vis des musulmans.

 

La société civile n’est pas restée passive face à cette montée de l’islamophobie. Aux Pays-Bas, les travaux de recherche d’Ineke van der Valk sur l’islamophobie et leur publication en 2013, soutenu par EMCEMO, ont permis de mieux faire connaître l’ampleur et la gravité du problème. Dans son ouvrage « islamophobie aux Pays-Bas », Ineke van der Valk souligne notamment le rôle des médias et des réseaux sociaux dans la diffusion de préjugés négatifs et de discours hostiles à l’égard des musulmans. Selon elle, « [aux Pays-Bas] les musulmans sont de plus en plus isolés, montrés du doigt et considérés comme des ennemis de la société ». A la suite de cette publication, un collectif contre l’islamophobie et les discriminations a été créé aux Pays-Bas (CTID), rassemblant militants, experts et associations. Aujourd’hui, les militants du collectif animent une permanence d’enregistrement des plaintes et accompagnent les victimes d’actes islamophobes. Le collectif organise également des formations et des campagnes d’action. L’une des revendications du collectif est la reconnaissance par les administrations néerlandaises de l’islamophobie comme forme spécifique de discrimination. Sans cette reconnaissance officielle, il est en effet impossible de mesurer l’ampleur et l’évolution du phénomène et par conséquent de le combattre de manière efficace. Un autre problème majeur auquel sont confrontées les associations réside dans le fait que les victimes n’osent pas déposer plainte, parce qu’elles pensent que c’est inutile ou qu’elles manquent de confiance dans les institutions (police ou service d’enregistrement). Pour lever ces obstacles, Emcemo a lancé, avec le CTID, une campagne de sensibilisation « Islamophobia, dont’t accept it, report it ! ».

 

Au niveau européen, le projet IMAN rassemble des associations de lutte contre l’islamophobie dans le but de développer une méthodologie et des outils communs, faciliter l’échange de pratiques entre pays Européens et à plus long-terme parvenir à une harmonisation des techniques d’enregistrement. Le 27 janvier dernier, une coalition d’associations engagées dans la lutte contre l’islamophobie dans plusieurs pays européens a rencontré David Friggieri, récemment nommé coordinateur chargé du combat contre la montée de la haine antimusulmane par la Commission Européenne. Les associations présentes ont souligné la surreprésentation des femmes parmi les victimes de l’islamophobie, ainsi que l’impact disproportionné des mesures récentes de lutte contre le terrorisme sur les communautés musulmanes.  Parmi les revendications principales de la coalition figurent la reconnaissance officielle de l’islamophobie, la mise en place et le suivi de stratégies nationales de lutte contre l’islamophobie et l’harmonisation des pratiques de collecte des données.

 

Malgré ces avancées dans la reconnaissance institutionnelle du phénomène, le combat à mener est de taille. L’islamophobie n’est pas, dans la grande majorité des Etats Européens, reconnue comme une forme spécifique de discrimination, les moyens mis en œuvre pour lutter contre l’islamophobie sont très insuffisants et les violences islamophobes restent trop souvent impunies. Pire, l’Etat est même souvent l’auteur de mesures discriminatoires à l’encontre des musulmans. Il s’agit alors d’une forme institutionnalisée d’islamophobie. En France et Belgique, au nom de la laïcité, les femmes voilées sont par exemple exclues de l’éducation et de l’emploi public. 

 

Les associations issues de l’immigration ont un rôle important à jouer dans ce combat. La date du 21 mars, proclamée en 1966 journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale par l’Assemblée générale des Nations Unies, est une occasion privilégiée de manifester notre engagement contre l’islamophobie et toutes les formes de discriminations. Car la lutte contre l’islamophobie n’est pas – seulement – le combat des musulmans, c’est un combat démocratique contre le racisme, qui nécessite la mobilisation de tous.

 

Publié en mars 2016

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